Blue Océan: la méthode Nintendo

Il y a quelques temps, j’ai lu l’article les concurrents ne sont pas ceux que l’on croit de WMJ (un excellent article, je remercie Jean au passage). Quelques jours plus tard, j’ai regardé la conférence de Nintendo pour l’E3 en streaming et j’ai découvert l’excellente vidéo :

Et là, subitement, j’ai découverte une des raisons pour laquelle Nintendo est une des plus fabuleuses cash machine jamais inventée : un employé de Nintendo génère 4 millions de dollars de CA et plus d’un million de dollars profits, femme de ménage compris, soit 3 à 5 fois plus que Google ou Apple.

Nintendo est plus rentable que n’importe quelle autre société technologique, que n’importe quelle banque (y compris Goldman Sachs) ou n’importe quelle compagnie pétrolière. Avec 4000 salariés, c’est la 3ème société la plus importante du Japon – seuls Toyota (321 000 salariés) et Sony (168 000 salariés) dépassent Nintendo.

Comment ont-ils fait ?

Nintendo était il y a encore peu proche de la faillite

Après les énormes succès commerciaux de la Nes et la Super Nintendo, concurrence oblige (Sega avec la MegaDrive, puis Sony et sa populaire Playstation et enfin Microsoft avec sa Xbox), les ventes de Nintendo n’ont cessé de décliner de façon assez alarmante.

Le monde du jeu vidéo a longtemps été une course à la puissance, chacun devant sortir des consoles de plus en plus puissantes pour attirer les clients. Bilan : des consoles tellement chères qu’elles étaient vendues généralement à perte, les éditeurs se rattrapant sur les royalties et les jeux produits maison. Mais malgré tout, concurrence oblige, les profits tendaient vers 0 dans ce secteur qui tendait à devenir matur…

Stratégie Blue Océan

Nintendo lui a vu le jeu vidéo d’un autre angle. Qui est le concurrent de Nintendo ? Sega ? Sony ? Microsoft ? Ou alors les salles de cinéma, de bowling, les jeux de société et les soirées entre amis dans un bar ?

Nintendo a tranché pour la seconde solution, et au lieu de chercher toujours plus de puissance pour séduire les hardcore gamers, a décidé avec la Wii de faire une console pour tout le monde, qui séduira femmes, enfants, jeunes, vieux…

Pour cela, Nintendo a souhaité donner une bonne image des jeux vidéos par rapport au stéréotype d’ados boutonneux vautrés dans leur canapé. Ils ont fait des jeux vidéos, mais aussi des jeux de société sur la Wii, des jeux pour maigrir, des jeux de golf… Enfin, ils ont révolutionné la manière de jouer avec la captation de mouvement. En clair, au lieu de se disputer les hardcore gamers, Nintendo a créer un marché vierge… Le bilan ? Le voici

Par la suite, Nintendo a créé la première console 3D sans lunettes et va continuer à révolutionner les consoles de salon au point de chasser sur les terres gardées d’Apple en proposant une manette avec un écran presque aussi grand que l’iPad, connectable à Internet, WiFi…

Mais ceci n’explique pas pourquoi chaque employé de Nintendo génère 1 dollar de profits toutes les 20 secondes, nuits et week-end compris…

Une stratégie marketing d’enfer

Nintendo comprend les besoin de ses clients. Il y a 20 ans, la Game Boy a triomphé de la Game Gear bien que la Game Gear était techniquement mieux, car la Game Boy était moins cher à l’achat et à l’usage (consommation en piles).
Aujourd’hui, Nintendo crée une console facile à utiliser… et très peu puissante comparée à ses rivales. Du coup, ils cassent les prix… Alors que Sony et Microsoft subventionne leurs consoles, Nintendo gagne de l’argent dès la vente de la console.

Grâce à un prix faible, ils se créent une énorme part de marché et donc une clientèle captive qui achèteront leurs jeux (profits) ou les jeux des autres éditeurs (royalties, donc profits)

Ensuite, grâce à leurs franchises (Zelda, Mario…), Nintendo lance des jeux à succès garanti et dont le coût de développement est sans doute faible (reprises d’anciennes versions de jeux…). Mais ils ont compris que beaucoup de gens veulent du fun plutôt que des graphismes géniaux. Et le fun, ca ne coûte rien à développer…

Enfin, Nintendo multiplie les produits dérivés : dessins animés, vêtements customisés

Résumé

Nintendo a créé son propre marché en identifiant ses concurrents de façon originale. Nintendo cartonne car ils comprennent les besoins de leur marché (du fun) et lancent des machines sympas (et plus rentables que la concurrence).

Nintendo augmente son efficacité en lançant des franchises à succès dont le coût de développement est relativement faible. Nintendo gagne sur tous les tableaux : console, jeux maisons, jeux d’éditeurs, produits dérivés et bientôt qui sait : Internet, téléphonie mobile ? Vente de champignons ?

Enfin, Nintendo développe son branding de manière énorme. Les logos de Nintendo sont omniprésents dans les jeux, les personnages emblématiques de Nintendo sont omniprésents au point que la marque fait partie du Top 100 mondial des marques en terme de valeur. Un bon moyen de créer une communauté et de fidéliser ses clients.

Un modèle à suivre, que vous soyez entrepreneur ou webentrepreneur

31 réponses

  1. Jérémy
    |

    C’est assez génial comme stratégie je trouve, allez convaincre les gens qui ne sont PAS des joueurs de jeux vidéos d’acheter une console, c’était un gros défi ! Comme tu le dis, c’est un modèle à suivre !

    (PS : moi aussi j’ai adoré l’article de WMJ)

  2. Vincent
    |

    Article intéressant sur cette belle entreprise. Par contre, la présentation de la nouvelle console n’a pas déclenché l’enthousiasme. Walt & see…

    • martin
      |

      On verra bien, mais bon tu sais l’inventeur de l’iPod ou l’écrivaine de Harry Potter ont essuyé refus sur refus, jusqu’à trouver enfin quelqu’un qui ont cru en leur projet (Apple et Gallimard). Wait and see comme tu le résume si bien 🙂

  3. martin
    |

    Tout à fait. C’est assez incroyable comment ils ont convaincu en masse les gens. Et avec la Wii U, ils vont sans doute chercher des relais de croissance. A quand une Nintendo apps, ou la possibilité de regarder des films sur sa manette Wii? Après tout, Nintendo était à la base une société de cartes à jouer, donc une société de divertissement.

  4. Piotr
    |

    Et le fun, ça ne coûte rien à développer…

    non, cela coute moins 😉 de la à dire que cela coute rien, tu vas un peu loin.

    • martin
      |

      Indirectement, oui, car quelqu’un de créatif sait qu’il a plus de valeur pour l’entreprise donc sera mieux payé. Mais en soit, avoir une bonne idée ne coûte rien, même si après il y a aussi des coûts associés de développement, de tests…

  5. DavidB_iRiche.com
    |

    Tout part souvent d’une seule bonne idée, que ce soit technique ou marketing.
    Mais ensuite il y a quand même des millions investis en R&D, en pub…

  6. martin
    |

    Oui c’est clair. Après le ratio dépense/revenus est assez faible chez Nintendo (dépenses faibles? Revenus élevés) puisque chaque employé de Nintendo génère près de 2000€ de profits par jour…

  7. Geekariste
    |

    C’est vrai que Nintendo est spécialiste des produits dépassés techniquement mais très bien exploités : game boy, nes, wii par exemple. Même la super nes a continué à bien marcher quand les consoles 32 bits sont arrivées. J’approuve cette philosophie 🙂

    En général c’est un modèle de business qui marche bien. Ca s’est passé de la même façon pour le succès de Windows et les débuts du PC.

  8. martin
    |

    Coucou Geekariste

    Merci pour ta reponse 🙂

    Cela montre qu’ils cherchent a repondre aux besoins de leurs clients (logique marketing) plutot qu’a faire la console la plus puissante pour montrer qui a la plus grosse.

    Pour les PC et Windows, tu pensais au succes de Microsoft?

  9. Geekariste
    |

    Oui Martin entre autres, en fait je pensais à la plate-forme MS Windows/Intel en général.
    Dans le domaine de l’informatique de loisirs les premiers PC étaient en concurrence avec des machines bien plus avancées au niveau matériel et OS (amiga et atari). Et on sait ce que sont devenues ces marques aujourd’hui…

  10. martin
    |

    Je vois… Comme quoi. Pour en revenir à la Game Boy -qui est plus de ma génération), elle a gagné grâce à son économie – 6 piles pour 3 heures de jeu pour la Game Gear, ca revenait vite cher à ce rythme… puis grâce aux franchises de type mario, pokemon…

  11. Alexis - Objectif Voyage
    |

    Salut Martin ! L’article WMJ est excellent et la manière dont tu l’illustres avec Nintendo l’est tout autant. Ca permet de bien mettre en lumière la stratégie marketing efficace de Nintendo.

  12. Martin
    |

    Merci, Alexis 🙂 La stratégie est reproductible par tout un chacun, y compris les blogueur… A bon entendeur, salut!

  13. Mademoiselle S
    |

    Nintendo a tout compris. Lorsque la Wii est sortie Monsieur Brioche qui est geek à ses heures m’avait affirmé que ça ne marcherai pas que les geeks et autres gameurs ne seraient pas fans, et moi j’étais convaincue qu’en cherchant à élargir sa clientèle Nintendo avait vu juste. Pour une simple e bonne raison, moi qui ne suis pas console, la Wii m’a séduite d’emblée !

    En effet, en quelques mois, j’ai vu plusieurs de mes copines et collègues se jeter sur la Wii puis sur la Wii Fit … 😉
    Très bien joué.
    J’avais moi aussi lu l’article sur WMJ … ton concurrent n’est pas celui qu’on croit … j’en a la preuve chaque jour : lorsque mes clientes hésitent entre un livre chez moi, ou une fringue à la boutique d’à côté.

  14. Martin
    |

    Tout à fait. Le nombre de casual gamers dépasse largement celui des hardcore gamers. Et la Wii reste sympa même pour les geeks. Je connais plusieurs hardcore gamers qui ont 2 consoles: la Wii (quand ils invitent des amis) et disons la PS3 pour eux même…

    Par contre, je ne pnsais pas que Wii Fit marchais bien…

    Et ravi de voir que l’article de WMJ en inspire autant. Tu ressens autant de concurrence indirecte comme cela, Mademoiselle S?

  15. Grégory
    |

    Article intéressant et éclairage original sur Nintendo. Cela donne à réfléchir à la façon dont nous essayons de promouvoir et faire connaitre nos blogs …

    En fait, je trouve ton article tellement bien que tu aurais du le proposer à WMJ !

  16. martin
    |

    @ Grégory: Tout à fait. La stratégie blue ocean, la redéfinition de la concurrence et surtout des besoins des clients fait la différence.

    Pour WMJ, il accepte les articles invités?

    A bientôt

  17. Grégory
    |

    @martin: Sais pas ! Mais ça coûte rien de lui demander 🙂 !

  18. martin
    |

    OK why not, je vais lui demander de ce pas

  19. Grégory
    |

    Cool ! De tout façon, t’as rien à perdre … Fais-nous un retour !

  20. martin
    |

    OK merci à toi 🙂

  21. Rémi
    |

    La stratégie océan bleu n’est pas liée uniquement à Nintendo. De nombreuses entreprises l’ont mises en pratique, avec réussite semble-t-il.
    Ce paradigme a été décrit par W. Chan Kim et Renée Mauborgne dans un livre (Stratégie océan bleu).

  22. martin
    |

    Evidemment, ce n’était qu’un exemple. Apple, qui a transformé un objet technologique à faible valeur ajoutée (un téléphone ou un baladeur mp3) en produit de mode promouvant un lifestyle californien (iPhone et iPod) a agi en ce sens.

    22% de taux de profits pour Apple quand les concurrents se trainent à quelques pourcents. Avec cette stratégie très puissante, Apple a atteint lui aussi les niveaux de rentabilité des entreprises pétrolières, des banques d’affaire, des labos, pharamceutiques ou de l’industrie du luxe, même s’ils ont fait largement moins bien que Nintendo, toutes proportions gardées.

    Quand la plupart des boites se trainent avec 4-5% de resultat net, la blue ocean permet d’atteindre les 20-30% voir plus. A méditer.

    Tu as lu ce livre sinon?

    • Rémi
      |

      Pas zencore.

      Il est dans ma file d’attente (très longue :)).

      • martin
        |

        OK, je vois. Les todo listes a rallonge, ca me connait aussi 🙁 Bon courage a toi anyway

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