Les nouveaux immigrés

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Lorsque les médias parlent de l’immigration, ils ne cessent de parler des gens pauvres qui tentent d’émigrer dans les pays riches, réputés comme étant des « eldorados » pour eux. Bien sûr, ce cliché repose sur un fond de vérité : ainsi de nombreux mexicains tentent d’immigrer aux Etats-Unis, de nombreux Philippins ou Indiens émigrent dans les pays du golfe Persique. Mais résumer l’immigration à ce seul flux (pauvres des pays pauvres vers les pays riches, problème des banlieues…) est très réducteur. En effet, le monde change, et je vous ferai découvrir dans cet article quelles sont les nouvelles formes d’immigration et quel intérêt y a-t-il à partir vivre dans un pays émergent.

Différentes formes d’immigration

Contrairement aux clichés reçus, il n’existe pas une seule immigration mais plusieurs immigrations (immigration politique, économique, familiale) et 4 flux d’immigrations dans le monde.

1. Pays pauvres -> Pays riches

Le premier flux d’immigration concerne les gens émigrant des pays pauvres vers les pays riches, dans l’espoir d’un avenir meilleur. C’est le type d’immigration le plus connu. Si les immigrés des pays pauvres vers les pays riches sont souvent plus pauvres que les populations locales, c’est loin d’être toujours le cas.

En effet, émigrer coûte cher et est inabordable pour les gens pauvres des pays pauvres. Souvent ce sont les classes moyennes ou les élites des pays pauvres qui émigrent dans les pays riches, et dans bien des cas, les immigrés s’avèrent être bien plus riches que les populations locales.

– Ainsi, les immigrés Chinois en France sont significativement plus éduqués et plus riches que les Français d’origine : 27% des immigrés chinois sont cadres contre 14% des Français d’origine seulement.

– Aux USA, seule 1% de la population est Indienne (d’Inde). Pourtant, 35% des hôtels du pays sont possédés par des Indiens, 9% des médecins sont Indiens. La moitié des familles d’origine Indienne dispose de plus de 6 000€ par mois de revenus, le double des Américains blancs et le triple des familles noires…

2. Pays riches -> Pays riches

L’immigration ne se résume pas aux gens venant des pays pauvres vers les pays riches. Moins connue que l’immigration pays pauvre > pays riche, l’immigration entre pays riches est également extrêmement développée. Dans un contexte où l’économie Française est moribonde, un nombre croissant de Français (6% de croissance annuelle, c’est presque la croissance de la Chine) émigrent chaque année de la France, principalement vers d’autres pays riches. Ces immigrations prennent différentes formes.

– Frontaliers : Ainsi en Lorraine dont je suis originaire, 80 000 personnes traversent chaque année la frontière pour travailler au Luxembourg.

Bien que les frontaliers Français soient les moins bien payés au Luxembourg, leur salaire moyen (2 700€ , 25% de moins que celui des Luxembourgeois) reste enviable et fait du nord de la Lorraine, malgré les fermetures d’usine (Florange et compagnie), l’une des zones les plus prospères de France.

L’émigration sur le court-terme : Face aux absences de perspectives en France, de plus en plus de jeunes partant dans d’autres pays riches afin de voir du pays, d’améliorer leur anglais et de trouver un travail sur place. Par exemple, chaque année, plus de 20 000 Français partent en Australie dans le cadre d’un Working Visa Holiday.

L’émigration sur le long-terme : De plus en plus de Français partent définitivement à l’étranger. Ainsi, Londres est la sixième ville Française, avec 300 000/400 000 Français qui y vivent.

On le voit, l’émigration pays riche/pays riche est plutôt profitable, elle aussi. Elle permet aux jeunes de trouver un travail ailleurs (ce qui limite le taux de chômage), d’enrichir les régions frontalières mais aussi rurales (grâce aux retraités britanniques dépensant leur retraite en France par exemple).

3. Pays pauvres -> Pays pauvres

Le troisième flux d’immigration, moins connu, est l’immigration des pays pauvres vers les pays pauvres. En effet, derrière le terme « pays pauvre », assez réducteur, existent différentes réalités économiques, sociales et politiques en fonction des pays.  Par exemple, l’Afrique du Sud, pays émergent plutôt prospère, est une importante terre d’immigration. C’est également le cas de nombreux autres pays comme le Costa Rica, la Malaisie et la Thaïlande entre autres.

Plus méconnue, il existe également une très forte immigration « intra-pays » dans les pays émergents. Ainsi quand un habitant de Madrid travaille à Paris (1 300 km entre les deux villes) il est considéré comme un émigré, alors qu’un habitant de Chongqing partant à Shanghai (1 700 km entre les deux villes) ne l’est pas lui… Pourtant il s’agit bien d’un flux migratoire… Ainsi en Chine, 15 millions de gens émigrent des campagnes vers des villes parfois très éloignées de leur lieu d’origine, un flux 15 fois plus important que l’émigration annuelle vers les Etats-Unis.

4. Pays riches -> Pays pauvres

Il existe une quatrième forme d’immigration, bien moins connue que les trois précédentes mais en pleine explosion : l’émigration des pays riches vers les pays pauvres. Ainsi Shanghai grouille de Français venus tentés leur chance là bas. De nombreux Français partent tenter leur chance dans le nouveau monde.

Lecture : le nombre de Français étant enregistrés comme résident en Chine augmente de 12% par an

Le phénomène n’est pas franco-français : ainsi, les Espagnols émigrent en masse au Brésil ou, phénomène nouveau, au Maroc, dans l’espoir d’un avenir meilleur.

Pourquoi émigrer dans un pays pauvre?

Il est généralement simple de comprendre la logique des personnes émigrant des pays pauvres vers les pays riches (vouloir s’approprier un part de gâteau plus grosse). Mais pourquoi de plus en plus de personnes émigrent de pays riches vers des pays parfois 5 ou 10 fois plus pauvres que leur pays d’origine ? C’est ce que nous allons voir maintenant.

#1 : De nouvelles opportunités

Quand la France s’embourbe dans la crise, les pays émergents ont des besoins qui explosent. Bilan : les opportunités y sont nombreuses. Ainsi quand Air France a licencié des centaines de pilotes, les compagnies aériennes Chinoises, dont le trafic aérien explose (20% de croissance par an) ont proposé de recruter la totalité des pilotes aériens licenciés en France, au tarif Européen naturellement… En 2012 toujours, une compagnie Chinoise proposait 12 000€ de salaire mensuel aux pilotes aériens espagnols sans emplois (source).

Autre exemple : un des amis Français manageait un service hospitalier de 30 personnes… Pas sûr qu’à 28 ans, on lui aurait donné de telles responsabilités en France. Un autre était chercheur, et face aux manques de moyens des labos Français, a préféré s’expatrier en Chine…

Dernier exemple : Lors de mon voyage au Cambodge, j’ai dormi dans un hôtel tenu par un anglais. Pour avoir discuté avec lui, il me disait galérer au Royaume-Uni et être parti à l’aventure au Cambodge. Avec quelques amis anglais et australiens et leur épargne, il a ouvert un hôtel/restaurant sans difficultés. Comme il me le disait, si tu veux ouvrir un resto au Cambodge, tu n’as pas besoin de 10 000 papiers. Tu installe une cuisine, tu imprime les menus et tu as un resto… Au final, il vit très bien (bien mieux que l’anglais typique) au Cambodge et n’a aucune envie de rentrer en Europe…

#2 : Le coût de la vie

Le coût de la vie en France est très élevé, et si on souhaite évoluer dans sa carrière, les sanctions tombent : 30/40% d’impôts sur le revenu, stigmatisation et jalousie de la part des moins nantis que soi, car en France, être patron ou riche, c’est forcément mal vu et suspect…

A l’inverse, dans de nombreux pays le coût de la vie est plus bas : par exemple au Vietnam, un coiffeur coûte 2€, une couronne dentaire coûte 100€, un pantalon de costume coûte 10€ et ainsi de suite.

Partir dans un pays émergent est un bon moyen d’améliorer votre pouvoir d’achat, si vous êtes expatrié, tenez une activité de nomade digital (lieu de travail sans contraintes géographiques) ou êtes prof de langue.

Expatrié : Ainsi en Chine, j’avais pas mal d’amis qui gagnaient environ 2 000€ par mois alors même que le coût de la vie est 2 fois plus bas qu’en France. Bilan : un couple d’amis a mis de côté 40 000€ d’épargne en deux ans sans se priver. Ils sont rentrés pour des raisons personnelles en France, mais ils seraient restés quelques années de plus, ils auraient pu acheter une maison cash au bout de quelques années à leur retour…

Nomade digital : Je connais plusieurs blogueurs vivant avec 1000€ par mois… En France, c’est peu, mais en Thaïlande où ils vivent, ils vivent très bien.

Prof de langue : En Asie, professeur d’anglais est un boulot bien payé. Environ 10/15 euros de l’heure au Vietnam, et jusque 30 euros de l’heure en Chine. Pas mal compte tenu du coût de la vie sur place.

Ainsi, un prof d’anglais gagnant 20€ de l’heure à Pékin peut s’offrir, en 2 heures de travail à peine :

– Une recharge de téléphone portable permettant de tenir un mois

– 30 trajets en métro

– Une coupe chez le coiffeur

– 2 repas dans un resto milieu de gamme

– 1 aller simple en taxi entre le centre-ville et l’aéroport

Dans bien des cas, il est plus facile de faire son trou dans un pays émergent que dans un pays émergé.

#3 : L’optimisme

L’argent ne fait pas tout, les états d’esprits expliquent bien des choses. Quand les Français sont les plus pessimistes du monde, les Vietnamiens font partie des gens les plus optimistes du monde. Pourtant, les problèmes ne manquent pas au Vietnam : salaire bas, inflation, corruption, pas d’Etat providence… Mais les gens ne se plaignent pas et se débrouillent pour faire leur bout de chemin (entraide familiale, nombreux commerces informels..). Au final, leur optimisme est contagieux et je n’ai qu’à mettre mes pieds dehors pour avoir la pêche.

#4 : Le climat

Outre les opportunités économiques et l’optimisme qui règnent dans de nombreux pays émergents, le climat est aussi une raison pour laquelle les Français émigrent temporairement ou de façon permanente. A titre personnel, cela fait déjà 5 mois (depuis que j’ai déménagé au Vietnam) que mes habits habituels sont « tongs/short/t-shirts », plutôt agréable. Au Vietnam il y a du soleil et de nombreux fruits frais : mangues juteuses et sucrées, fruit de la passion, ananas frais, jacquier…

Synthèse

Contrairement à ce que disent les médias dominants, il n’y a pas une seule forme d’immigration (pauvres vers les riches) mais de nombreuses formes d’immigrations. En effet, si les migrants visent avant tout à aspirer à une vie meilleure, les réponses à ce besoin sont multiples. Ainsi, de plus en plus de Français tentent leur chance à l’extérieur des frontalières, en tant que frontaliers ou émigrés dans d’autres pays riches (Canada, Suisse…). Mais il ne faut pas oublier qu’un nombre croissant de Français partent tenter leur chance dans les pays émergents, attirés par des opportunités de carrière, un coût de la vie bas, un climat avantageux et une touche d’exotisme.

Cet article est désormais terminé. Qu’en avez-vous pensé ? comptez vous vous expatrier ces prochaines années ? je vous laisse la parole 😉

5 réponses

  1. Le Blog du voyageur
    |

    Bonjour et merci pour ce petit éclairage.
    Les notions de pays riches et pauvres devraient toutefois être précisées (représentations mentales, PIB/hab, bonheur national brut (BNB), etc. ?).
    Bien à vous

    • martin
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      C’est toute la difficulté de la chose, à chacun de définir ce qu’est un pays riche d’un pays pauvre, avec toutes les nuances intermédiaires entre.

      Par exemple, le Vietnam est, d’un point de vue économique, un pays pauvre. Le PIB y est de 1 200€ par habitant et par an, contre 32 000€ par habitant et par an en France. Mais rester sur un tel constat – le Vietnam est 27 fois plus pauvre que la France – serait erroné.

      1) Les chiffres négligent le fait que le coût de la vie est bien plus bas au Vietnam qu’en France… Le coût de la vie étant 4 fois plus bas en moyenne (sandwich à 0,50€, coiffeur à 2€, hôtel a 5€…), un habitant au Vietnam n’est donc « que » 6 fois plus pauvre que le Francais moyen.

      2) Il ne faut pas oublier le travail au noir, largement plus présent qu’en France, qui fait que le Vietnamien moyen est sans doute plus riche que les stats ne l’indiquent.

      3) D’une part, il n’y a pas un mais des Vietnam. Hô Chi Minh Ville est 3 fois plus prospère que le reste du pays en moyenne.

      4) Même si un Vietnamien est plus pauvre qu’un Francais en moyenne, il n’est pas 6 fois plus pauvre qu’un Francais. Les dépenses de base (coiffeur, restaurant…) coûtent exactement le même prix par rapport aux salaires locaux qu’en France. Les restos sont bondés tous les jours partout au Vietnam… Par ailleurs, la facture de chauffage est de 0 euros par an (chaleur tropicale) Les gens roulent en moto (bien moins chère que les voitures), il n’y a pas d’assurance…

      Les gens achètent peu à crédit (tout se fait en cash et en or) et les gens mutualisent tout au maximum (famille de 4 sur une moto, transports en bus très développé).

      Au final, le niveau de vie réel est bien plus élevé qu’il n’en parait (bas cout de la vie, mutualisation, style de vie différent). Le Vietnam reste un pays en développement, mais pauvre, j’en suis moins sûr.

      En dehors des critères économiques, il y a aussi d’autres critères à prendre en compte: Les Vietnamiens sont parmi les plus optimistes du monde. 94% des Vietnamiens savent lire et écrire. c’est moins qu’en France (99%), mais plus qu’à Hong-Kong, la ville la plus développée d’Asie… Enfin l’espérance de vie y est de 72 ans, l’équivalent de l’espérance de vie de la France atteint en… 1973.

      Bref, on dit du Vietnam que c’est un pays pauvre et que la France est depuis toujours un pays riche, mais à mon humble avis, un bébé qui nait aujourd’hui au Vietnam aura une vie plus facile qu’un bébé né en France il y a encore 2 ou 3 générations…

      Bref, tout cela pour dire qu’il est difficile de définir ce qu’est un pays riche ou pauvre, je prenais la définition des pays du Nord et du Sud dans cet article 😉

      • Le Blog du voyageur
        |

        En dehors des critères économiques, il y a aussi d’autres critères à prendre en compte: Les Vietnamiens sont parmi les plus optimistes du monde. 94% des Vietnamiens savent lire et écrire. c’est moins qu’en France (99%), mais plus qu’à Hong-Kong, la ville la plus développée d’Asie…

        Bref, on dit du Vietnam que c’est un pays pauvre et que la France est depuis toujours un pays riche, mais à mon humble avis, un bébé qui nait aujourd’hui au Vietnam aura une vie plus facile qu’un bébé né en France il y a encore 2 ou 3 générations…

        >>> Merci d’avoir pris le temps de me répondre et pour ces développements très intéressants.

  2. Mathieu@Réseau Richesse
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    Je pense que le climat et le faible coût de vie doivent être les plus populaires. Le fait aussi que l’état se mêle moins des affaires (comme tu faisais référence au papier pour ouvrir un resto) en ayant plus de liberté économique est une autre bonne chose.

    Personnellement, j’Aurais de la difficulté à partir, amis et pays me manqueraient je pense.

    • martin
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      Les deux critères sont en effet plaisant. Il y a peu, ma soirée resto + ciné m’est revenue à 5 euros (3 euros pour un steak juteux à point, à la francaise, et 2 euros pour le ciné), ca fait plaisir 😉

      Pour le reste, je trouve que l’Etat impose trop de règles. C’est bien d’avoir un minimum de règles de sécurité, mais certaines sont absurdes, comme le fait que les restos doivent avoir 2 portes pour que le sale ne croise jamais le propre. Dans l’absolu, l’idée est pas mal (éviter les problèmes sanitaires) mais est-ce indispensable de forcer les petits restos à faire de lourds travaux quand un peu de bon sens fonctionne aussi bien?

      Quand on voit les restaurants de rue avec des mini barbecue posé à même le sol pour faire des brochettes, cela peut faire peur, mais c’est aussi safe que les restaurants en France. Si un resto sert de la mauvaise qualité, les clients ne reviendront pas et le type fait faillite. Du coup pas besoin de règles drastiques de la part de l’Etat, le marché s’autorégule de lui-même.

      Idem en Chine. A Pékin, pour rentrer chez moi (banlieue) depuis le centre-ville (trajet de 30 km), le choix « légal » était limité à:

      – Bus (5 yuans soit 0,6€)
      – Taxi (100 yuans, soit 12€)

      Mais le marché s’auto-régulant de lui même, il y avait bien d’autres offres de transport, au « noir »

      – Taxi au noir (80 yuans)
      – Le taxi-collectif (30 yuans)
      – Le taxi-collectif de type minibus (15 à 20 yuans)
      – Les voitures particulière (10 yuans) cherchant un covoituré de passage pour rentabiliser le trajet

      Bref, le libéralisme fonctionne à merveille en Chine, et chaque micro-niche tarifaire – demande – trouve l’offre appropriée, qu’elle soit officielle ou officieuse. Et tout le monde est content: tout le monde a accès à la mobilité souhaitée en fonction de son compromis argent/temps disponible.

      En France, les gares routières informelles où les voitures cherchent des covoiturés et les taxis clandestins cherchent des clients auraient été fermées depuis longtemps, et du coup, on se retrouve dans une situation où les pauvres sont condamnés à la fraude ou à l’immobilité faute de moyens financiers suffisants…

      A bientôt 😉