La désindustrialisation: est-ce une fatalité?

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[Article écrit par Martin et Magdalena] Bonjour à toutes et à tous, je souhaite aujourd’hui publier un article un peu plus conceptuel que d’habitude sur l’économie, j’espère qu’il vous intéressera. Jusqu’au début des années 90, les pays développés régnaient en maitre dans le domaine industriel. Au mieux, les pays en voie de développement n’étaient là que pour leur fournir une main d’œuvre pas chère et docile. Aujourd’hui, les choses ont bien changées : émergence de nouveaux pays développés – Taiwan, Corée du Sud… – montée en puissance des pays en développement (les fameux BRIC composés de la Chine, l’Inde, le Brésil et la Chine) sans même parler de l’Afrique du Sud, du Mexique de la Turquie. Même l’Afrique subsaharienne – pourtant zone la plus pauvre du monde –  se développe à grande vitesse : 5 à 10% de croissance dans la quasi-totalité des pays, émergence d’une classe moyenne, 9 pays auront un taux de croissance supérieure à la Chine…

Le monde change et s’accélère à tel point que la notion de pays en voie de développement est devenue trop restreinte pour rendre compte de la multiplicité des situations. Il faut plutôt parler de pays émergents pour caractériser des pays qui sont de plus en plus actifs sur la scène économique mondiale et qui concurrencent de plus en plus les anciennes puissances industrielles du siècle dernier.

Signe des temps: Après avoir montré sa capacité à envoyer un homme dans l’espace, la Chine, via le groupe Comac est en train de préparer l’avion Comac 919, qui sera plus moderne (moindre consommation de carburant) et moins cher que l’A320 et le B737… PSA Peugeot Citroën est actuellement en train de prospecter en Chine pour se trouver un allié et espérer se créer un nouvel avenir. Nokia jadis numéro un de la téléphonie est à deux doigts de se faire racheter par le chinois Huawei et le sud-coréen Samsung avec sa gamme de téléphone Galaxy vient de ravir la première place sur les marchés des smartphones à Apple. Enfin, le Kenya progresse toujours plus dans son leadership mondial sur le paiement par téléphonie mobile…

Bien sur, les Etats Unis – fort de leur immense marché intérieur et de leur soft-power culturel peuvent encore faire illusion pendant quelques années, mais guère plus :

– L’affaire Snowden leur a rappelé que le temps de l’hyper-puissance est terminé et que les nouvelles puissances (Russie, Chine) ne se laissent plus dicter la conduite à suivre par les Etats-Unis

– La Chine dépasse désormais les USA dans tous les domaines (même l’innovation) et retrouvera en 2016 sa position historique de leader économique mondiale.

Certes, les Etats-Unis disposent d’une énorme armée (financée à crédit) mais ils savent qu’ils doivent commencer à se préparer à des lendemains encore plus difficiles.

Alors la faute à qui ? Ou a quoi ? Aux délocalisations? Pas seulement car il ne s’agit maintenant pas que de produire ailleurs à bas coût pour fournir les pays riches en produits bon marché, mais bien de plus en plus de créer ailleurs pour attirer les nouvelles classes moyennes du nouveau monde. Par exemple, en 2012, 1,9 millions de voitures (-14% de croissance annuelle) ont été vendues en France, contre le double (3,8 millions, +5% de croissance annuelle) au Brésil…


Problème de la crise actuelle

Le problème relève plutôt de la désindustrialisation des pays développés qui est en marche et ne s’arrêtera pas d’un claquement de doigt. Si vous suivez un peu l’actualité vous devez être familiarisé avec ce terme tant les politiques nous le rabâchent à longueur de journée. Si tout le monde s’entend pour faire le même diagnostic, les remèdes sont divers: nombreux sont ceux à vouloir remettre en place des barrières douanières, voire à rogner sur les salaires et sur les avantages sociaux que des populations possèdent depuis plus de 3 générations…

Bien sûr, ces méthodes ont leurs points positifs mais l’actualité a révélé également les points négatifs de ces méthodes. L’austérité appliqué de façon « brute » s’avère au mieux un moyen artificiel de sortir la tête hors de l’eau pour quelques années encore ; au pire, elle s’est avéré un remède pire que le mal (voir ce qui se passe en Espagne et en Grèce).

Pour moi, il ne s’agit pas là de la bonne réponse car la solution est ailleurs. Il faut oser suivre les 3 directions suivantes :

1) La volonté politique

L’Europe reste la première puissance économique mondiale, loin devant les USA. Même la Chine avec son dynamisme étonnant – elle dépassera les USA dans 3 ans – restera derrière l’UE pour plus d’une décennie encore. Seul problème : au contraire de la Chine et des USA, l’Europe ne dispose d’aucune unité politique, qui lui serait pourtant nécessaire pour imposer sa voie sur l’échiquier mondial et défendre ses intérêts économiques auprès du reste du monde.

2) Miser sur ses avantages compétitifs

La France dispose d’énormes avantages compétitifs par rapport à d’autres pays, comme dans le domaine du tourisme, du luxe, et de l’aéronautique (mais également le vin et l’industrie pharmaceutique). Au lieu de vouloir défendre les secteurs non-compétitifs et non-stratégiques de l’économie, mieux vaudrait à la place investir dans l’économie du futur (éducation, recherche, tourisme…) notamment au niveau des petites PME innovantes et favoriser la mobilité professionnelle. Après tout, le vrai enjeu du chômage n’est pas d’empêcher les gens de perdre leur emploi, mais de les accompagner (formation…) pour en retrouver un nouveau.

3) Faire le pari de l’innovation

Contrairement aux clichés, les pays émergents ne se contentent plus de fournir de la matière première ou de la main d’œuvre non-qualifiée bon marché. De plus en plus de pays remontent la chaîne de la valeur ajoutée : l’Inde forme des bataillons d’ingénieurs et d’informaticiens, le Brésil possède le 3ème constructeur aéronautique mondial (juste derrière Airbus et Boeing), la Chine dépose désormais plus de brevets que les USA et est leader de nombreux secteurs d’avenir (comme les énergies renouvelables).

Face à ce constat, sauf à vouloir fermer l’économie (droits de douane, préférence nationale), la seule voie de salut de la France est de faire le pari de la qualité un peu comme a su jadis le faire l’Allemagne et le Japon et d’oser imaginer véritablement les produits de demain. Je sais que je ne vais pas me faire que des amis mais pour moi la France à l’image d’autres pays développés est en train de perdre cette guerre de la qualité et de l’innovation.

Il faut à mon avis regarder un peu à l’étranger – au Canada en particulier pour s’inspirer de modèles qui fonctionnent. Ce pays possède un système universitaire de très grande qualité et j’encourage d’ailleurs les jeunes qui nous lisent à aller y tenter leur chance. Ils ne le regretteront certainement pas car ils pourront ainsi bénéficier d’une expérience de campus nord-américain pour un prix défiant toute concurrence et surtout, ils pourront à la fin de leurs études trouver un emploi beaucoup plus facilement qu’en France.  Il faut dire que le pays possède un tissu d’entreprises très concurrentielles sur la scène économique mondiale qui réussissent en jouant la carte de la qualité à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas par exemple de Diacarb: cette entreprise située au Québec est un atelier d’usinage spécialisé dans la production de petites composantes aux finitions d’extrême qualité. Ses produits sont utilisés dans tous les domaines: de l’aéronautique à l’énergie en passant par la chirurgie dentaire et le domaine de la défense. Utilisant les techniques de pointes de l’usinage CNC, Diacarb compte parmi ses clients des acteurs de premier plan de l’économie mondiale comme Bombardier, Schneider Electric, Arcelor Mittal, Kraft Foods et bien d’autres encore.

A l’image de Diacarb, la France devrait s’inspirer de ce modèle pour se relancer dans la production de qualité. C’est le seul moyen pour elle de se faire une place dans la mondialisation actuelle et de lutter efficacement contre la désindustrialisation qui est en train de lui faire perdre des emplois.

Cet article est désormais terminé. J’espère qu’il vous a plu et à bientôt sur candix.fr

8 réponses

  1. Quentin
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    L’Europe garde de nombreux atouts. C’est très bien de rappeler que l’Union Européenne est encore (et encore pour longtemps), de loin (et même de très loin) la première puissance économique mondiale.

    Effectivement, la transformer en État fédéral en ferait enfin un vrai poids lourd économique et une puissance difficile à contourner.

    D’autre part, il y a désindustrialisation et désindustrialisation.
    Pourquoi ?

    Premièrement parce qu’on dit abusivement que l’Europe à perdu ses industries textiles et électronique. Mais l’Europe, n’a JAMAIS fait d’électronique. Pour le textile, l’Europe n’a jamais fait de coton !

    Ensuite, rappelons tout de même que : l’Europe produit encore beaucoup de voiture, d’avion, d’électricité. Elle est aussi leader en aérospatial. Et, pour le cas plus spécifique de l’Allemagne, quand la Chine monte une usine, elle achète ses machines en Allemagne.

    Enfin, la frontière entre l’industrie et le tertiaire est parfois ténue… Tout ce qui est SAV et réparation, c’est du tertiaire, pourtant, c’est aussi un peu de l’industrie. La logistique, c’est aussi du tertiaire, et pourtant…

  2. martin
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    Bonjour Quentin

    L’Europe en tant qu’unité est la première puissance économique mondiale. Son PIB est de 18,3 B$ contre 15,7 aux USA et 12 en Chine. Mais les pays émergents, les fameux Bric dont on ne cesse de parler, ont depuis longtemps dépasse l’UE. La Chine + l’Inde + la Russie + Le Brésil ont un pib de 22 milliards de dollars, près de moitié plus que les USA…

    Pour le reste, seul 1% du PIB Européen est mutualisé, contre 20% du PIB aux USA, avec les conséquences négatives qui s’ensuit (manque de cohérence fiscale et politique entre les pays). L’Europe a un faible armée, un faible budget qui se limite à la PAC, l’entraide des pays pauvres et quelques projets d’infrastructure, mais pas grand chose d’autre.

    Pour l’Allemagne, tu as raison. L’Allemagne est une formidable machine à exporter. L’Allemagne est le troisième exportateur mondial (au coude à coude avec les USA), génère le même excédent commercial que la Chine (avec une population 15 fois plus petite) et exporte bien ses machines et voitures en Chine. A Pékin, dans le quartier des affaires, les marques les plus populaires de voitures étaient VW, BMW, Audi, Mercedes… Pour 100 voitures allemandes, je comptais 1 ou 2 voitures françaises…

    L’Europe dispose de beaux atouts et points forts, espérons qu’on arrive à mieux vendre à l’étranger comme le fait déjà l’Allemagne actuellement 😉

    A bientôt

    Martin

  3. Quentin
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    Bah, en tout cas, l’Europe a plus de chance de se réunir autour d’un projet commun que les BRICS

  4. martin
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    @Quentin: Je l’espère, mais je ne parierai pas beaucoup d’argent sur une telle proposition 😉

  5. Julien d'acheter des parkings
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    Salut Martin,

    Le constat est sévère pour notre pays. Ce qui m’énerve le plus, c’est que c’était prévisible et personne n’a osé mettre en place des mesures pour transformer l’industrie de notre pays pour aller dans le sens du monde moderne.

    Je suis d’accord pour miser sur la formation, l’innovation, la recherche et la qualité, mais cela ne peut pas se faire des changements culturels forts. Et en bon Français, nous avons tendance à travailler sur nos acquis !

    Julien

  6. martin
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    Bonjour Julien

    Beaucoup de choses sont prévisibles mais les Francais n’aiment pas changer. Parfois j’aime discuter politique, mais je me dis si j’étais président, les 3/4 de mes réformes provoqueraient des manifestations monstrueuses dans les rues… On l’a vu: on veut réformer les taxis, des bloquages. On veut réformer les universités: manifestations immense.

    Je ne sais si ces mesures étaient bonnes ou mauvaise, mais je sais une chose: une société, c’est comme un vélo: on avance ou on tombe. L’immobilisme n’a pas sa place… A bientôt 😉

    Martin

  7. Salut Martin,

    je crois aussi que je ferai un malheur comme président. Le pays serait bloqué pendant un an, mais on pourrait avancer par la suite 😉

  8. martin
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    😉