Free vs Google: 0-1

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La consommation en bande passante ne cesse d’augmenter en France ou ailleurs – essor de la vidéo en ligne, vidéos et images HD, design plus volumineux, essor de l’Internet mobile… Cela oblige les FAI à investir d’énormes sommes – on parle de milliard d’euros – afin d’augmenter leurs infrastructures à hauteur des demandes des utilisateurs.

De l’autre côté, Google a généré 9 milliards de dollars de bénéfice, en monétisant du contenu, bénéficiant pleinement de l’augmentation des tuyaux – bande passante – pour générer des bénéfices sur des contenus toujours plus volumineux de type vidéos YouTube par exemple.

Une demande de financement des tuyaux par les FAI Françaises

Cela fait quelques temps que Free et d’autres FAI en France ne cessent d’attaquer Google et les autres géants du web au sujet du financement de la bande passante, sur le motif de « vous gagnez de l’argent en utilisant notre bande passante, on veut que vous partagiez avec nous une partie du gâteau publicitaire que vous générez ». Certains appellent cela un partage équitable, mais il faut appeler un chat un chat : c’est de la mendicité.

Le principe d’une économie libre

Sur Internet comme partout ailleurs, rien n’est gratuit. Si quelque chose est gratuit, c’est que quelqu’un d’autre paie pour vous – un annonceur.

Sur ce blog, je vous fournis du contenu gratuitement, en échange de quoi les articles sponsorisés me permettent de vivre et de publier du nouveau contenu pour vous. C’est à mon sens gagnant/gagnant : vous bénéficiez de contenu gratuit en échange de quoi je vis de mon audience. Je ne force personne à regarder les articles sponsorisés, je ne force personne à consulter mon blog, si jamais j’abuse à diffuser trop de publicités sur mon blog, cela revient à scier l’arbre sur lequel je suis assis.

Chaque éditeur de sites Internet est libre d’agir comme bon lui semble : c’est ce qu’on appelle la démocratie. Et dans une économie de marché, les visiteurs sont libres de visiter le site qu’ils veulent. C’est la loi de marché d’une économie capitaliste au sens le plus noble du terme.

2 Contrats de confiance sur Internet

Internet repose à la base sur deux postulats de confiance, des contrats mettant en symbiose différents opérateurs :

1) L’Internaute accède gratuitement à du contenu en échange de publicité de la part de l’éditeur du site web

2) Les éditeurs de site web bénéficient de la bande passante fournie par les FAI gratuitement, et les FAI font payer l’accès à Internet aux internautes sans verser le moindre centime aux éditeurs de sites web

Tout le monde est gagnant :

– Les éditeurs de sites web, en pouvant « commercialiser » leur contenu gratuitement

– Les FAI. Sans YouTube, sans Facebook, sans médias web, sans blogs ; Free, Orange ou SFR ne gagneraient aucun argent. Qui voudrait payer l’accès à des tuyaux sans contenu derrière ?

Un contrat tacite remis en cause

Comme on vient de le voir, sur Internet, il y a différents acteurs (internautes, éditeurs de site web, annonceurs, FAI…) aux intérêts divergents mais qui, grâce à une économie de marché capitaliste et LIBRE, ont trouvé un double arrangement gagnant/gagnant qui arrangeait tout le monde depuis le début du web.

Mais Free, dans sa bonne habitude de donner un coup de pied dans la fourmilière, remet en cause ce double contrat tacite de confiance en voulant bloquer automatiquement les publicités via AdBlocker dans la dernière mise à jour de Freebox. En effet, Free (mais aussi Orange) se battent contre Google, réclamant que ce dernier participe au financement de la bande passante en France.

Robin des Bois : j’ai une larme à l’oeil

Comme d’habitude, Xavier Niel essaie de faire pleurer la ménagère de moins de 50 ans. Lors de l’essor du forfait à 20 euros, Xavier Niel a critiqué le salaire du PDG d’Orange par rapport à son salaire (1,7 millions d’euros par an) en disant gagner que 170 000 euros de salaire par an,  en omettant d’indiquer les revenus qu’il génère en tant qu’actionnaire de Free – 14 millions d’euros l’année dernière…

Gagner de l’argent n’est pas un problème dans une économie capitaliste, mais soyons sérieux dans les comparaisons. Ici, c’est l’hôpital qui se fout de la charité vraiment. Au moins, Steve Jobs, qui gagnait 1€ par an (170 000 fois moins que le salaire de Steve Jobs) avait la décence, LUI, de ne pas critiquer les salaires chez Google et autres consorts… Démagogie quand tu nous tiens.

Aujourd’hui, Free essaie de se promouvoir en tant que prometteur de l’Internet libre et sans publicité, alors qu’en réalité, il ne cherche qu’à augmenter ses marges en refusant d’investir dans la bande passante.

Une promesse marketing non tenue…

Alors même que le deal de Free est « vous me payez 30 euros par mois, ce qui me permet d’investir dans la bande passante et de générer un profit », Free souhaite maintenant s’attaquer à Google car estime ne pas pouvoir financer l’augmentation de sa bande passante et de ses réseaux. Peut-être que 30 euros par mois n’est pas suffisant pour financer la bande passante. Il est vrai qu’Internet est bon marché en France par rapport aux USA par exemple. Mais le prix des FAI, ce n’est pas le problème de Google. C’est une problématique de marché libre et capitaliste et de concurrence entre Orange, Free, SFR, et Bouygues.

Si Free estime que son abonnement à 30 euros ne permet pas de rentrer dans ses frais, libre à Free d’augmenter ses tarifs, et libre aux Internautes de rester chez Free ou d’aller chez la concurrence. C’est ce qu’on appelle l’économie de marché et la démocratie.

Ils oublient de dire que…

Free et les autres FAI se défendent de leur action, en indiquant que vu les profits de Google, il est normal que Google finance l’infrastructure Internet, d’autant plus que Google pillerait le contenu sur Internet. Or, les FAI omettent d’indiquer d’autres éléments aux Internautes :

– Si Google fait plus de profits que les FAI, c’est que son business model est meilleur : l’entreprise est plus grande (rang mondial). Libre à Free et Orange de monter un moteur de recherche s’ils estiment le business model de Google trop rentable pour piquer des parts de marché.

Google ne pille aucun contenu : Sur YouTube, le contenu est uploadé volontairement par les utilisateurs. Personne ne force quiconque à aller sur Facebook. Si un site éditeur ne veut pas être référencé sur Google, il lui suffit de l’indiquer dans le fichier robots.txt et Google ne référencera pas son site Internet.

Je ne dis nullement que Google soit un ange et les FAI sont des démons. J’indique simplement que dans une économie libre de marché, Google comme Free et les autres FAI sont des entreprises à but lucratif qui gagnent de l’argent en échange d’un service. C’est aussi simple que cela.

Le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière

Le métier de Free est de fournir l’accès à Internet à ses utilisateurs contre 30 euros par mois. Si Free veut que les éditeurs web gourmand en bande passante financent la bande passante, Free devrait payer les éditeurs de sites web peu gourmands en bande passante (moi par exemple) en échange du service rendu. Car je le répète, le service que Free fait payer 30 euros par mois ne vaut STRICTEMENT RIEN s’il n’y a pas derrière des éditeurs web qui créent du contenu pour les utilisateurs.

Free a autant de raison de demander à Google de le payer que Google ou les éditeurs de sites web n’ont de raison de demander à Free une part du gâteau FAI. Mais en agissant ainsi, Free voudrait le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. Et après, quelle est l’étape d’après ? Le droit de cuissage ? Les sites de petites annonces qui ont fait le début et la fortune de Free à ses débuts?

Un odieux chantage…

Il ne faut pas oublier également qu’il n’y a pas que Google qui gagne de l’argent sur le modèle publicitaire. En effet, de nombreux sites Internet ont pour principal modèle économique la publicité, et parviennent à peine à vivre de ce modèle. Même rue89.com, un des principaux sites Français, perd x euros par an malgré sa très forte audience et son modèle publicitaire.

En agissant ainsi, Free accepte délibérément de tuer l’Internet Français, sur le principe d’un chantage qu’il sait ne pas pouvoir gagner.

L’issue prévisible (et souhaitable) du match

Sérieusement, qui croirait que Free peut gagner dans un bras de fer contre Google ? C’est aussi risible qu’une PME qui voudrait imposer ses conditions de ventes auprès des centrales d’achat de grandes surfaces… Bienvenue dans le monde des Bisounous selon Free, ou Free est le gentil et la publicité le vilant méchant…

On est les z’entils, Google est le vilant méchant…

Respecter la neutralité du web : c’est fondamental

Google, bien que critiquable, ne force personne à utiliser ses services et ne pille pas de contenu comme je l’ai indiqué précédemment. Il offre la liberté aux gens d’agir comme bon leur semble. Alors que de son côté, Free estime qu’il a le droit, en cavalier seul, d’afficher telle partie d’un site et pas telle autre, avec son plugin adblocker.

Après la publicité, Free va-t-il décider de bloquer les sites gourmands en bande passante, comme YouTube ? Ou décider de bloquer les sites pour adultes ? Ou les sites de musique en ligne ? On le voit, la position de Free implique un débat éthique à la limite de l’illégalité, à savoir décider de ce qui est bon pour l’Internaute ou pas.

Les Etats d’âmes de Free

Free n’a pas à faire part de ses états d’âmes, tout le monde se contrefiche des états d’âmes de Free. Free gagne de l’argent en étant FAI point final. L’internaute comme les éditeurs de sites web se contrefiche du reste, business is business comme on dit.

Le débat éthique sur Internet doit être tenu (et il est tenu) par des groupements publics. La CNIL et police de l’Internet contrôlent l’Internet en garantissant sa neutralité tout en évitant les abus les plus manifestes. C’est leur rôle et ils sont payés pour cela.

Free en revanche n’a AUCUNE LEGITIMITE a s’aventurer dans un combat d’Internet éthique et plus libre qui n’est pas le sien. Si Free estime que les éditeurs de site web devraient vivre d’amour et d’eau fraîche, dans ce cas, j’estime que Free devrait lui aussi vivre d’amour et d’eau fraîche, et proposant un service FAI entièrement gratuit à ses Internautes…

Si les éditeurs de sites web doivent vivre d’amour et d’eau fraîche, alors pourquoi par les FAI? Je vous remercie d’avance, Xavier, pour l’offre prochaine « Internet illimité haut-débit à 0 euros et sans publicité » que vous annoncerez prochainement conformément au nom de votre société

Conclusion

Même à l’ère du gratuit et de l’open source, l’évolution d’Internet (belles photos, contenu vidéo, beaux designs…) impliquent des investissements de plus en plus conséquents de la part des éditeurs web, en argent mais aussi en temps de travail.

Personne ne vit que d’amour et d’eau fraîche. Certains regrettent le temps de l’Internet gratuit et sans publicité, mais qui s’entre vous accepterait de travailler pour votre entreprise gratuitement ? Soyons sérieux. Si vous voulez visiter des sites gratuits sans pubs, consultez des blogs des années 1990. Autrement, acceptez un échange équilibré.

Les sites vous fournissent gratuitement du contenu (gratuitement, les FAI ne m’ont jamais rien donné par exemple) en échange de quoi accepter qu’il puisse y avoir de la publicité ou des articles sponsorisés.

Alors oui, certains sites Internet peuvent abuser de la publicité. A titre personnel, je n’aime pas les sites Internet où la publicité est trop intrusive. Mais qui a le droit de juger les bonnes pratiques des mauvaises pratiques ? Deux groupes seulement :

– L’Etat, sous la forme de lois censées préserver de l’intérêt commun

– Vous, qui êtes libre de quitter un site Internet si vous trouvez les publicités trop intrusives

Free et les FAI n’ont aucune légitimité dans ce domaine. S’ils estiment qu’il y a des abus, libres à eux d’aller contacter la CNIL et autres. Mais on n’est plus au moyen-âge, et faire sa justice soit-même est illégal.

Alors, si vous voulez qu’Internet reste un espace de liberté où des lois existent et sont respectées par les différents intervenants, si vous êtes pour une économie de marché et libre sans entrave illégitimes, refusez l’odieux chantage qu’ose proposer Free. Que Free propose son plugin en opt-in (l’Internaute doit valider le plugin), passe encore mais que Free installe par défaut le plugin Adblock, c’est inacceptable, au nom de la liberté.

Bonne journée à vous et à bientôt sur candix.fr

15 réponses

  1. Julia@perdre du poids
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    J’ai l’impression que Xavier Niel, au-delà du débat sur Google, veut vraiment faire du buzz et se donner une image de Robin des bois des nouvelles technologies. On dirait qu’il veut faire croire aux gens que Free n’est pas une entreprise à but lucratif, comme s’il agissait pour notre intérêt avant tout. Je trouve ça vraiment malhonnête.

    • martin
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      +1, mais bon la démagogie est plus facile que de reconnaître ses propres limites. En tout cas, vu l’article que j’ai joué, Free a bien géré son buzz…

  2. Jos
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    Merci Martin pour ce très bon article!

    Drôle d’idée cette attaque de Free… Il est cependant vrai que la consommation de vidéeo via Youtube et autres ne cesse d’augmenter!

    Il est bien loin le temps des modems 56K…

  3. martin
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    Bonjour Jos

    Merci. En effet, la consommation de vidéo augmente, mais le prix des matériels diminue (loi de Moore), et de toutes façons, Google est aussi influent par rapport à Free que ne l’est Coca-Cola par rapport aux supermarchés. SI j’étais Google, si Free demande de payer, je refuserait des lors d’afficher mes services chez les freenautes.

    Il y a fort à parier dans ce cas que les freenautes switcheraient rapidement vers la concurrence. A titre personnel, je pense qu’il s’agit simplement d’une recherche de buzz de la part de Xavier Niel à un moment où son business model bat de l’aile (ou avance moins vite qu’avant) à la manière d’un Micahel O’Leary provoquant histoire de faire du buzz (gratuit) autour de Ryanair

    A bientôt 😉

    PS: Les modems 56k ne sont pas si loin. En Chine, ca peut etre très très lent…

  4. martin
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    ^^ Le bonjour à ta femme 😉

  5. Nadege@Miami
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    Salut Martin,

    Article très complet. Free on commence à connaitre, ils aiment le buzz. Moi je n’aime pas beaucoup Free surtout quand ils croient qu’ils peuvent agir seuls et chambouler tout un système mais avec la téléphonie ils ont eu le mérite de faire baisser les prix de tout le secteur !

    A bientôt,

    Nadège

  6. David@faire un blog
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    Salut Martin,

    Il semblerait que free abandonne l’idée de bloquer les pubs de google, beau coup marketing, au passage, de la part de free ^^

  7. martin
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    @François: Merci

    @Nadège: Ils ont eu le mérite de faire baisser les prix, c’est vrai, mais ils ne disent pas tout derrière – détérioration de la qualité de la communication, 3G lent… Et au niveau marketing, c’est un peu limite parfois

    @David: En effet 😉

    • Nadege@Miami
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      Je suis d’accord avec toi, je n’ai jamais envisagé de partir de chez Orange contrairement à tous ceux qui se sont ruées chez Free et qui en payent les conséquences aujourd’hui. Mais bon c’est aussi grâce à eux que j’ai réduit ma facture 🙂

  8. Fabrice
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    Excellent article, Martin. Tu t’es bien laché, cela me plait 😉

    Ce que je regrette avec cette histoire, c’est que comme d’habitude Free a un discours très populiste vis à vis de problèmatiques qui sont en fait très en fait complexes. Et ca marche à chaque fois !

    Je pense aussi que si l’Etat avait une vraie stratégie vis à vis du numérique en France (soysons fous, un projet global à 5-10 ans), on aurait moins de brouhaha sur tous ces sujets.

  9. martin
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    En effet, Nadège 🙂

    @Fabrice: En effet, c’est plus facile de faire un débat populiste (gentil free/méchant pub) que de voir que tout est plus complexe et mitigé et de lancer un vrai débat d’expert sur la question.

    Concernant l’Etat, comment pourrait il agir? Avec des lois? Des subventions? Des formations davantage adaptées au numérique?

    A bientôt

    Martin

    • Fabrice
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      Je pense que l’Etat doit en effet intervenir sur plusieurs niveaux (fiscalité, formation, droit…).
      Si on prend par exemple le dossier du Très Haut Débit en France, cela devrait être l’une des 10 priorités de notre pays et pourtant son déploiement est en train de prendre un retard énorme.
      J’ai des amis qui habitent dans le cœur de Paris et qui attendent depuis près de 3 ans que leur immeuble soit câblé. Le syndic a contacté les différents opérateurs (Free compris) mais ils traînent tous des pieds car soit disant ce n’est pas rentable.

  10. Stéphane de Qui Recherche
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    voilà qui est bien dit; on attend de voir la suite…

  11. martin
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    @Fabrice: Du coup ils ont quel débit? Quand ce n’est pas assez rentable, ils devraient assurer le monopole a un opérateur, pour lui garantir de la rentabilité (s’il faut 30 abonnés pour atteindre la rentabilité dans un immeuble de 40 logements, il ne faut qu’un opérateur sans quoi la concurrence pose problème)…

    @Stéphane: Free a annulé son programme je crois. Un bon coup de com en tout cas

  12. DavidB_iRiche.com
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    Free ce sont les champions du buzz et puis après, bizarrement il font marche arrière.
    Le problème c’est qu’ils n’ont pas tout à fait les moyens de leurs ambitions, voir le reportage sur la 2 récemment où leur réseau mobile c’était pas vraiment ça malgré ce qu’ils affirment partout.
    Après il faut leur reconnaitre un intérêt c’est de faire bouger la concurrence.