Vendre du muguet: un bon moyen d’apprendre le business

Je ne sais pas pourquoi, je viens de repenser à l’époque où je vendais du muguet le premier mai étant gamin et j’ai réalisé à quel point c’est formateur d’un point de vue marketing et professionnel. Explications

Vendre du muguet

Habitant près d’une forêt, étant ado, j’ai décidé avec un ami, à 11 ou 12 ans, de vendre du muguet pour gagner un peu d’argent de poche… La première année, j’ai gagné 15 euros… La seconde, environ 30… J’ai progressé jusqu’à l’avant-dernière année (75 euros en une matinée de vente) car la dernière… il n’y avait pas de muguet dans les bois…

Avec 5-6 ans de vente (1 jour/an) et 5 ans de recul, je trouve que cette expérience est extrêmement formatrice. Voici pourquoi :

Savoir anticiper

Pour gagner de l’argent avec du muguet des bois, il faut… savoir où il se trouve. Donc prospecter dans les bois pour trouver des bons coins, suivre l’état du murissement pour que si le muguet soit trop ou trop peu fleuri pouvoir chercher un autre coin à muguet dans un autre coin de la forêt…

Importance d’un bon emplacement

Les 3 choses les plus importantes pour un commerce, c’est  l’emplacement, l’emplacement et l’emplacement.

Si la première année, j’ai vendu du muguet en porte à porte, dès l’année suivante, j’ai vite compris que le meilleur endroit pour vendre du muguet, c’est d’avoir un stand juste à la sortie de l’unique boulangerie et l’unique commerce de mon quartier ouvert ce jour là. Du coup, tous les 1er mai, je me levais entre 4h30 et 5h30 du matin pour être sûr d’être le premier et de m’octroyer le meilleur emplacement de mon quartier – la sortie de la boulangerie. Quitte à attendre, à moitié endormi, durant 1h dans le froid et le vent que les premiers clients n’arrivent… L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ne dit-on pas ?

Packaging

Pour bien vendre du muguet, il faut que le bouquet soit beau. Plutôt que de compter les brins par bouquet (on est dans la logique de l’ingénieur qui calibre son produit autour d’une norme) je faisais les bouquets visuellement en essayant que le contraste blanc/vert soit le plus beau possible (ce qui intéresse vraiment le client). Moins barbant que de compter le nombre de brin et je me mettais déjà à la place du client

Enfin, la première année, j’utilisais un élastique et du papier d’aluminium pour faire les bouquets. Avec le temps, j’ai investi 2 euros dans un rouleau de feuille plastifiée pour pouvoir faire de beaux emballages et pouvoir mieux vendre mes bouquets. J’ai aussi investi quelques euros pour un produit (je crois de la citrate de bétaïne, mais je ne suis plus sûr) pour accélérer (ou ralentir ? J’ai oublié) la fleuraison pour que le bouquet soit parfait le jour J…

Argumentaire vente

Je n’aime pas rester planter à attendre que le client me parle. Alors, je disais bonjour à tous les passants quels qu’ils soient en souriant, même s’ils m’ignoraient… Quand ils me parlaient, je leur disais : « un petit bouquet du muguet des bois » ou « un petit bouquet de muguet des bois pour faire plaisir à votre femme ». Bref, je prouvais l’authenticité du produit (du muguet des bois, pas du muguet de Rungis) tout en évoquant le bénéfice client (plaisir de sa femme).

Je ne leurs vendais dès lors plus un produit (bouquet de fleur), mais une histoire, une émotion (odeur agréable, cadeau pour sa femme). Et les gens aiment qu’on leur raconte des histoires (cf succès des séries TV)

Avoir une bonne gueule

Certains y verront de la discrimination, mais plus on a une bouille sympathique, plus on réussit dans le commerce. Avec le temps, devenant de plus en plus vieux, je voyais qu’une gamine, vendant ses bouquets 2€, vendait ses bouquets comme des petits pains, alors que moi, presque adulte à la fin, avec un meilleur emplacement, en vendait moins pour un prix pourtant plus faible (1 ou 1,5€). Quand au vendeur cinquantenaire, il vendait relativement mal…

Yield Management : il faut tout vendre

Tôt le matin, les gens ont tendance à acheter du muguet plus facilement car ils n’ont pas encore eu le temps de faire un tour en forêt pour en cueillir et il y a peu de vendeur. Du coup, je vendais mes brins 1,5€ jusque 8h30 du matin. Puis 1€ jusque 9h30-10h. Passé 10h, de nombreux gamins commencent le porte à porte et de plus en plus de gens vont en forêt pour en cueillir. Je baissais rapidement mes prix à 0,80 puis 0,50€ le bouquet, voir même 1€ les 3 bouquets pour me débarrasser des restes vers midi…

Je proposais aussi des prix groupés : 1,5€ un bouquet, 2,5€ les deux, puis 1€ le bouquet, 2€ les 3… et baissais sitôt les prix si la personne semblait hésiter pour la convaincre d’acheter. Bilan : je ne faisais que faire ce que fait la SNCF ou les compagnies aériennes à moduler le prix en fonction de l’acheteur, de l’heure d’achat, et du volume d’achat avec le Yield Management… le plus naturellement possible, juste en faisant marcher mon bon sens et mon intuition.

Conclusion

Toutes mes initiatives n’ont pas marché. Le lancement d’un « Dog Bar » (cuvette avec de l’eau pour les chiens des clients) ou du café thermos n’ont pas marché – aucun client n’a voulu de café…

Mais globalement, outre un peu d’argent de poche, j’ai retiré beaucoup de cette expérience de vente de muguet.

Voila, que pensez-vous de cet article ? Vous aide t-il à mieux comprendre le fonctionnement d’un point de vue marketing/communication de votre entreprise ? A bientôt

10 réponses

  1. Pierre-Antoine
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    Salut Martin,

    Exact, cela me rappelle également mon enfance! J’allais avec mon frère et ma soeur vendre du muguet et c’est vrai que plus on grandit plus c’est difficile!

    Evidemment, c’est formateur car on prend conscience de la valeur de l’argent, de comment vendre(les bases des 4P de Porter): Que vendre? A quel prix? Où vendre? Quelle communication utiliser?

    La belle époque!

    A plus 😉

    Pierre-Antoine

  2. martin
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    Bonjour Pierre-Antoine

    C’est marrant quand même comment on apprend les bases du commerce par l’expérimentation. C’est plus amusant et formateur que des cours théoriques. Tout comme certains vendeurs dans les pays du tiers monde qui, bien qu’ayant sans aucun doute aucune formation derrière eux, ont, par leur expérience du terrain, acquis toutes les bases enseignées en école de commerce. L’école de la vie sans doute 🙂

    Ravi que tu fasse la même chose étant enfant 🙂

    Martin

  3. DavidB_iRiche.com
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    Ah oui, tout ça vient quand même de loin, tu étais prédestiné… 😉

  4. Martin
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    N’exagérons rien, je trouvais juste sympa de faire le parrallèle avec l’école de la vie 🙂

  5. Julien
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    Belle expérience qui peut paraitre anodine mais qui ne l’est pas finalement. J’imagine qu’à l’époque tu ne voyais pas ça du même oeil. Aujourd’hui tu dois y repenser en souriant.

    Les rudiments du commerce ça peut s’apprendre tout jeune. Qui n’à jamais fait dans sa jeunesse des échanges de cartes à collectionner, d’autocollants panini, de billes ou de pogs ? La cour de récrée est un terrain de vente pour homme/femme d’affaire en herbe. On y apprend que la forme, la couleur ou la rareté d’un objet peuvent en faire varier la valeur. Il y a un marché avec des acheteurs, des vendeurs, des offres et des demandes. Les prix grimpent ou baissent. Il faut faire attention aux escrocs et aux voleurs qui peuvent ruiner votre business.

    • martin
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      Bonjour Julien

      Evidemment non je ne voyais pas cela sous cet oeil, j’ai écrit cet article avec un peu de recul. Mais je pense que c’est formateur.

      Comme tu le dis, les enfants apprennent déjà à échanger ou à faire des bénéfices – ma carte Magic contre 3 cartes moins rares ou autres. Pour les Pogs cela me rappelle mon enfance…

      Quant aux voleurs ou escrocs, il faut faire attention en effet à ne pas montrer qu’on a trop de billes (ou de Beyblades de nos jours) pour ne pas susciter les jalousies…

  6. je n’ai jamais vendu de muguet.
    Tous les ans je reste d’ailleurs surpris du nombre de ces vendeurs et me suis toujours demandé s’ils arrivaient à en retirer quelque chose de correct.

    Pour ma part mon plus lointain souvenir « commercial » était autour de mes 8 ans où je faisais des dessins que j’aillais vendre sur le marché aux passants !

    😉

  7. Martin
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    Bonjour Fabien

    Pour moi, entre 45 et 75 euros la matinée. Certains vendeurs avec les meilleurs emplacement dépassent les 100 euros…

    Mais ce qui était sympa aussi, c’est la cueillette dans les bois, l’odeur de muguet qui empestait dans le garage…

    Pour les dessins, tes parents ne disaient rien? Pour moi, je pense que c’est lorsque je récupérai dans une brocante des bouteilles en verre de coca-cola vide pour récupérer la consigne valant 1 franc. Une année, j’ai récupéré 90 francs comme cela. A l’époque, j’était très fier d’avoir une telle fortune 🙂

    A bientôt 🙂

    Martin

  8. Charles
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    D’accord sur le fait qu’on vend mieux quand on est gosse !

    Plutôt que du café moi j’aurais plutôt tenté une rose ou un chocolat, en augmentant le prix, vu que c’est pour les femmes en général. Un cross sell bien ciblé, aurait pu augmenter sensiblement les ventes.

    J’aime bien ton idée d’investir dans du papier, et de commencer tôt pour finir tôt.

  9. Martin
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    Oui pourquoi pas Charles, mais pour avoir des roses, il faut investir du capital ce dont je ne disposais pas… La fameuse barriere a l entree…

    Quand a commencer tot, le but n etait pas de finir tot mais d avoir un bon emplacement 🙂