Nicolas, analyste financier
Nicolas est un jeune homme récemment diplômé d’une grande école de commerce. 3 mois après la sortie d’école, il a trouvé un job d’analyste financier dans une grande banque dans le quartier d’affaire à Paris. Sa rémunération ? 38 K€ bruts par an. Nicolas, très travailleur, a gagné en outre 7 K€ supplémentaires en primes diverses.
Pensez-vous que Nicolas vive bien ? C’est une erreur : il a un niveau de vie comparable à celui d’une caissière, et un salaire horaire d’un marocain.
Nicolas, conseiller analyste : 650€ par mois pour 50 heures de travail
Nicolas gagne 45 000€ bruts par an pour un travail hebdomadaire de 50 heures par semaine. Soit 3 750€ bruts par mois. Cela correspond à 2 900€ net par mois, et Nicolas vivant seul, il paie environ 6 000€ d’impôts sur le revenu par an (ordre de grandeur). Il gagne donc réellement 2 400€ net par mois.
Issu d’un milieu modeste, Nicolas a fait un emprunt étudiant et doit désormais rembourser 700€ par mois d’emprunt étudiant (l’école de commerce étant pour lui la condition sine qua non pour trouver un boulot potable). Il lui reste donc 1 700€ par mois.
Les loyers étant cher, Nicolas paie 700€ par mois son studio de 23m² dans Paris. Il lui reste donc 1 000€ par mois, soit l’équivalent de 650€ par mois en province, le coût de la vie étant 50% plus élevé à Paris qu’en province.
Habitant à 1 heure de son lieu de travail, Nicolas travaille en réalité 60 heures par semaine. Son salaire horaire réel, après paiement du loyer, est de 2,83€ de l’heure
Christelle, hôtesse de caisse : 720€ par mois pour 28 heures de travail
Christelle a arrêté ses études au bac et a trouvé un travail d’hôtesse de caisse dans une petite ville de province. N’ayant trouvé qu’un CDD de 28 heures dans la grande distribution, Christelle gagne 1 100 euros bruts par mois, soit 858€ net par mois. Bénéficiant d’une prime à l’emploi de 200€ par mois, Christelle gagne donc 1 058€ par mois. Vivant seule, Christelle paie 480€ d’impôts sur le revenu par an, soit 40€ par mois.
Une fois son loyer payé (300€ par mois), il reste donc à Christelle 718€ par mois une fois son loyer payé. Vivant à 30 minutes de son lieu de travail, Christelle travaille en réalité 33 heures par semaine, soit un salaire horaire réel de 5,71€ par heure
Evidemment, certains me diront que Nicolas contrairement à Christelle évoluera plus vite dans la vie. Il atteindra rapidement 60 K€ (soit 120 K€/an s’il trouve une femme ayant un boulot similaire), peut déduire des impôts sur le revenu (dons aux associations, service à la personne) et sera de facto augmenté de 700€ par mois lorsqu’il aura fini son emprunt étudiant.
Ceci étant, rien ne dit (avec la conjoncture actuelle) qu’il atteindra un jour 60 K€. Quand au reste, travailler pour du beurre durant 5 ans et vivre comme un étudiant à la limite du seuil de la pauvreté, c’est un peu limite. D’autant plus que vu son salaire « officiel » (45 K€ par an), il a sans aucun doute un boulot plus stressant que s’il avait un boulot moins bien payé. Sans compter tous les frais annexes : costumes, pressing…
Regardons où partent les revenus de Nicolas
Quand Nicolas travaille 50 heures par semaine, il est en réalité payé pour 4h25 de travail (soit 53 minutes de travail par jour). Ou va le reste de l’argent ? A l’image de la jungle où les lions se servent toujours en premier, lorsqu’une valeur ajoutée est crée, elle est toujours ponctionnée en premier par :
– L’Etat
– Les actionnaires
– Les propriétaires
– Les banques
Ici, 53% de la valeur ajoutée créée par Nicolas est ponctionnée pour nourrir les actionnaires et l’entreprise. 33% au titre de marge (marge moyenne sur la valeur ajoutée des entreprises françaises) et 20% au titre des heures supplémentaires non-payées (Nicolas gagne son salaire sur 50 heures au lieu de 35 heures)
L’Etat ensuite se sert grassement : 22% de la valeur ajoutée de Nicolas si l’on tient compte uniquement des charges salariales, l’impôt sur le revenu et la TVA sur la consommation de Nicolas. Si l’on ajoute les impôts locaux, les charges patronales, les impôts sur la société des bénéfices générés par Nicolas, on pourrait aisément atteindre 40 ou 50% dont une grande partie, sitôt arrivée dans les caisses de l’état, repart dans les caisses des banques ou des fonds de pension qui possèdent la dette publique et se servent grassement en intérêts.
Ensuite, l’école se sert, et les banques aussi incluant les intérêts de l’emprunt étudiant. Et enfin, les propriétaires se servent grassement (loyer élevé, prix à la consommation élevé lié aux loyers élevés) amputant d’autant le pouvoir d’achat de Nicolas.
Dans la jungle, une fois que les lions et les hyènes ont mangées l’animal, il ne reste que les restes moins bons que seuls les carnivores affamées mangeront. Chez le salarié c’est pareil. On a certes besoin d’un Etat pour financer écoles et hôpitaux, des banques pour tout financer, et de propriétaires pour se loger. Mais on peut se demander quelle est la légitimité d’une taxe de 91% sur la valeur ajoutée. Même les pays communistes n’auraient pas prélevés autant.
Comment devenir riche ?
Traditionnellement, pour s’enrichir, on peut :
– Gagner plus (par exemple en travaillant plus)
– Dépenser moins
Les revenus réels de Nicolas étant de 9% de sa valeur ajoutée, chacune des 2 idées ci-dessus règlent 4,5% du problème. Travailler plus pour gagner plus revient à mettre de côté 95% des autres manières de s’enrichir. Cela reviendrait au même que prendre 20 fois moins d’antibiotiques que ne le recommande un docteur pour guérir. Pensez-vous qu’un tel traitement soit efficace ?
Les réels facteurs pour Nicolas pour devenir riche
1) Quitter Paris
En quittant Paris pour la province, Nicolas pourrait bénéficier d’un coût de la vie 30% plus faible. En outre, même s’il gagne 30% de moins, il sera malgré tout plus riche car il paiera moins d’impôts sur le revenu… Il pourra chercher en province, en Suisse, au Luxembourg ou tout simplement faire du télétravail.
2) Limiter les gains de l’Etat
Il est possible, en toute légalité, de diminuer les montants payés à l’Etat. Acheter à l’étranger là où la TVA est plus faible par exemple, faire des dons à des associations, avoir recours à du service à la personne, défiscaliser ses revenus, ou tout simplement engager un spécialiste d’optimisation fiscale pour dénicher toutes les opportunités de payer moins d’impôts.
Ensuite, au lieu d’être doublement taxé (140€ patron = 100€ brut = 78€ net = 68€ après impôt sur le revenu) à plus de 50% sur le paiement de son patron, Nicolas pourra se déclarer entrepreneur et facturer des prestations au lieu d’être salarié. Il discutera avec son comptable pour bénéficier des aides (création entreprise…) et optimiser ses revenus (charges déclarées, mix de rémunération/dividendes…)
3) La valeur ajoutée de l’entreprise
Autant la marge d’une entreprise est tout à fait légitime, autant les heures supplémentaires de Nicolas non payées sont bien plus discutables. Pourquoi trimer pour du beurre (merci le statut cadre) ? J’ai un ami consultant junior facturé 900€ HT par jour, donc les entreprises clientes ne vont pas le laisser filer à 17h, logique vu le prix. D’un autre côté, son salaire ne doit pas dépasser les 2 500€ par mois. Pris en tenaille entre son employeur et le client, il multiplie les heures pour au final pas grand-chose…
Dit autrement, s’il est facturé 900€ par jour, c’est sans doute qu’il en rapporte 2000 ou 3000€ à son client (par jour) et il est payé… 2 500€ par mois. Un jour de sa valeur ajoutée part pour lui, le reste à son donneur d’ordre et ses clients…
Bref, mettez vous à votre compte dans la limite du possible. N’ayant plus à alimenter la marge de votre employeur, vous pourrez baisser (un peu) les prix tout en gagnent (beaucoup) plus. Evidemment, en indépendant, vous ne pourrez bénéficier des avantages d’une grosse boîte : vous n’aurez aucune image de marque ni de portefeuille client, mais si vous avez l’âme d’un commercial (ou l’argent ou une rémunération au pourcentage pour embaucher un commercial) vous pourrez gagner bien plus.
Exemple : Un ami gagnait 2000 euros pour 40 heures par semaine en community manager Il a démissionné et, en bons termes avec son ancien patron, il bosse pour lui en auto-entrepreneur. Bénéficiant de l’ACCRE, il ne paie qu’environ 5% de taxe pour les premiers mois, et gagne désormais 2 500 euros (2 300 à 2 400 après taxe) pour 3 heures de travail par jour.
Conclusion
Pour s’enrichir, ne pensez pas qu’au salaire, car gagner plus signifie plus de stress, plus d’heures de travail, plus d’impôts, plus de marge laissée au patron… Comme vous pouvez le voir dans mon tableau Excel, les gens les plus riches en réel sont (du plus riche au plus pauvre)
1) Edouard, informaticien à 25 K€/an et hébergé par ses parents.
2) Elodie, chargée de clientèle avec 3 ans d’expérience, 39 K€
3) Benjamin, chargé d’études en province, 31 K€
4) Christelle, caissière à temps partiel dans la Creuse, 12 K€
5) Nicolas, conseiller fiscaliste à Paris, 45 K€
Bref, les revenus sont très loin de prédire le niveau de vie individuel, car le plus riche en salaire est aussi le plus pauvre dans la vie réelle.
Pour vous enrichir, il est plus intéressant :
– Accumulez de l’argent en étant jeune: 100 000€ à économiser
Des amis ont habité chez leurs parents durant leurs études. En apprentissage (1500€/mois) il ont pu économiser 1000€ par mois durant leurs études. Bilan : 50 000€ d’économies à 25 ans.
S’il souhaite acheter une maison à 200 K€ en ne remboursant que 1000€ par mois à 3,5% d’intérêt, il n’aura qu’à emprunter durant 196 mois, contre 297 mois sans cet apport. Dit autrement, en accumulant initialement 50 000€, il pourra économiser 101 000€ durant sa carrière en intérêts qu’il ne paiera pas à la banque. Bref, il part bien dans la vie
– Développez des revenus complémentaires
Développez quelques revenus et/ou économies complémentaires (par exemple 5 000€ par an avec le bloguing, des cours particuliers, de la vente en ligne et des économies en négociant…) vous permettra de mettre de côté durant les bonnes années. Si vous ne touchez à rien et commencez à économiser 5 K€ par an à 25 ans et que vous placez à 6%, vous aurez 600K€ à l’âge de 60 ans et déjà 75 K€ à 35 ans – respectivement 298 K€ et 61 K€ inflation de 2% déduite – ce qui reste sympa. Financer sa maison, avoir de quoi rebondir en cas de chômage, c’est plutôt sympa. Vous serez plus riche, ne dépendrez pas que d’une source de revenus… Les petits ruisseaux font les grandes rivières…
21 réponses
Pierre-antoine
Très bon article! C’est vrai que tous les salaires sont relatifs il faut bien analyser les situations et il faut savoir s’ouvrir aux autres moyens de gagner sa vie. Trop peu de gens ne voient que par leur travail salarié et c’est dommage pour eux ils se ferment à des domaines qui peuvent rapporter et qui peuvent devenir passionnant (comme le blogging).
A plus 😉
martin
Pas que le bloguing, mais il existe plein d’avantages souvent bien plus significatifs qu’une simple hausse de salaire comme une exonération d’impôts, le télétravail, habiter chez ses parents… A méditer 🙂
Philippe @Créer son entreprise
Wouah super article !
J’aime bien l’étude comparative. C’est criant de vérité.
Le pire dans tout ça c’est que notre analyste financier a sans aucun doute les capacités cérébrales pour concevoir un système qui travaille pour lui.
Mais malheureusement notre société n’encourage pas dans ce sens.
martin
Merci, je suis d’accord avec toi 🙂
Julien Arcin
Je suis d’accord avec le fond.
Mais bon d’un autre côté il ne faut pas croire que créer une entreprise ou se lancer en tant qu’indépendant est l’eldorado. En général quand on crée une boite, on est pas aux 35 heures …
martin
Je n’ai jamais dit que c’était facile, mais il faut se donner les moyens de changer. L’intérêt d’être salarié, c’est de bénéficier d’une image de marque. Pas besoin de prospecter ou de faire son marketing pour gagner sa croûte.
Je donne simplement quelques clés de réponse à la question de la répartition de la valeur ajoutée, et je suis ravi que tu complète mon argumentation 🙂
khanel3
pasd mal ton article sauf le titre qui est trompeur ! bonne soirée !
Gagner concours
Le titre est quelque peu trompeur mais à la fin de l’article tu peux te dire « ok moi aussi je pourrais réduire largement mon temps de travail tout en gagnant, et surtout voir plus » non ? 🙂
martin
Khanel: c’est un peu de marketing pour attirer le regard du lecteur… et comme le dit gagner concours, l’idée c’est de voir qu’il existe plein de moyens d’améliorer sa vie qui ne se limitent pas au salaire mais à une dimension bien plus large…
Gilles (Objectifs Liberté)
J’aurais aimé écrire cet article tout simplement car j’avais fait une démonstration identique à un ami il y a quelques années pour lui montrer que la situation d’un ingénieur en France n’était pas si exceptionnel niveau salaire horaire.
De plus le système français est construit pour favoriser la famille. Cela date de l’après guerre ou il fallait repeupler la France. Et donc une famille de trois personnes a d’énormes avantages par rapport à un célibataire. C’est ainsi il faut le savoir.
Ce petit calcul très juste devrait forcer la réflexion des gens sur leurs propres situations. Déjà pas mal de gens se la posent, vaut il mieux gagner 30% en province, quelquefois oui si on fait un calcul global.
A bientôt Martin
martin
En ayant réfléchi plus loin, je me suis dit (schématiquement)
1 SMIC, c’est 1000€
50 heures de boulot au SMIC devrait être payé 1500€
50 heures de boulot au SMIC a Paris devrait être payé 2250€ pour compenser le coût de la vie
50 heures de boulot d’un diplômé bac + 5 (qui peut estimer par exemple 50% de plus que le SMIC horaire) devrait donc être payé 3400€ net par mois s’il bosse 50h/semaine à Paris. disons 3 800 en tenant compte de l’impôt sur le revenu, élevé sur cette tranche.
Dit autrement, un cadre qui bosse 50 heures par semaine pour gagner 3000€ par mois au final, il est loin d’être si bien loti… Il devrait soit bosser moins, soit aller en province… comme je le montre dans cet article avec l’exemple de Nicolas
martin
Pour les autres points (famille, province) tu as raison. Car si tu gagne 150 a Paris au lieu de 100 en Province, tu reste perdant, même si c’est censé compenser le coût de la vie. Car tu paie des impots sur 150 sans compter tout le stress dss grandes villes…
Guillaume de komment devenir riche
Article très intéressant!!
Les chiffres sont toujours contestable comme dans les commentaires au dessus mais à mon
avis le fond est plus intéressant!!!
En effet, il n’y a pas que le revenu qui compte!!! Tout ce qui est autour compte autant!!!
martin
Effectivement, plus que les chiffres, l’interet c’est de donner des clés pour que toi comme chacun des lecteurs puisse se demander comment améliorer sa situation personnelle… Un article entre développement personnel et enrichissement en clair 🙂
martin
Tu as raison que les situations sont multiples entre celui qui habite en rase campagne, en coeur de grandes villes de province, celui qui a une famille ou est célibataire.
Effectivement, il y a des gens qui passent 2h/jour pour aller au boulot en province et 5 min/jour à Paris
Dans mon idée, quand je parlais de province, je pensais « vivre en centre-ville d’une ville moyenne de province »
Pour les chiffres, ils sont approximatifs. Tout dépend de l’ou on habite, si on peut exonérer une partie de ses revenus en IR, mais une simulation d’IR montre le montant ahurissant d’IR pour un célibataire.
Pour le coût de la vie, +50%, je n’exagere rien. Un studio a 300€ à Dijon coute 800e à Paris, la bouffe coute 30-50% plus chere, les billets de train sont bien plus cher le WE dans le sens Paris-province que l’inverse, sans compter que gagner plus implique de payer plus d’impôts… Dans mon cas, je dépensais presque 100% de plus qu’à Dijon pour un même train de vie…
Apres pour les impôts, tu paie peut-être moins, tout dépend de la situation de chacun mais l’important c’est de voir comment on peut améliorer sa situation de façon globale plus qu’une bataille sur les chiffres.
A bientôt Elo et merci pour ton long commentaire 🙂
CHUBII
Article intéressant comme quoi on aurait plutôt tendance à penser le contraire! Effectivement comme tu le souligne à la fin ne pas mettre ses oeufs dans le même panier il faut au maximum diversifier ses sources de revenus. Par exemple pour moi:
Arbitrage rugby : 300 – 400 € par mois plus des déduction d’impôt de l’ordre de 1000€ 😉
Investissement et location garage :70€
+ mon salaire
martin
Je plussoie David 🙂
DavidB_iRiche.com
Mmmmm… comme la vie selon Martin parait simple… 🙂
Tu me sembles oublier une composante : si tu dois choisir entre être caissière ou analyste financier, tu choisis quoi ?
Et si les parents de Nicolas habitent Paris, qu’il vit chez eux à 45 ans avec femme et enfants, hein ??? 😉
martin
Je suis d’accord avec toi pour le premier point. Quand au second, tu mets le point là ou il faut. C’est sur les avantages annexes (télétravail, vivre à la campagne, hébergement gratuit, colocation…) que se fait le pouvoir d’achat plus que sur le salaire. Enfin l’exemple est simplifié mais l’idée est de faire un article lisible, pas exhaustif
Dit autrement, si mon patron m’augmente de 100€, en réalité je suis augmenté de 78 net. Soit 54 apres IR (car bon, 26 K€, ce n’est pas byzance et ca place déjà dans la tranche à 30%), soit pas grand chose si tu divise par 1,5 ou par 2 pour le coût de la vie à Paris…
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Tu as écrit cette article suite à notre échange de mail? ^^
martin
J’avais déjà eu envie d’écrire cet article depuis un bail mais tu m’as motivé en effet 🙂